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22 septembre 2014 1 22 /09 /septembre /2014 18:12

 

 

Notre rue, fumée, clôtures, caniveaux putrides gorgés

d’herbes folles, sillons torrides des tôles

corrodées par la rouille, c’est un langage forgé

d’asphalte en feu, un ciel qui se déplace, mû

par les cumulus d’orage grondants de pluie…

 

 

Derek Walcott, Le Chien de Tiepolo, livre 1 (II), 1.

 

 

 

 

Dix ans plus tard, je suis venu chercher

des signes de la guerre d’alors.

J’imaginais des vestiges –

chargeurs en miettes,

obus entiers,

éclats

trahissant l’explosion, ses blessures.

 

 

Je venais chercher

des fantômes –

gens du passé, squelettes carbonisés,

brique, bois et ciment :

leurs logis de jadis, livrés

à l’abandon.

 

 

Je n’ai trouvé que des murmures –

murmures au fond de la clameur

d’un petit avant-poste urbain

plongé

dans la fièvre du jour,

où les gestes du quotidien

tracent les signes extérieurs

de la normalité et de la vie.

 

 

Dans ce tumulte, je décèle

 des bribes de la guerre ancienne –

les grandes lignes du récit,

on les garde enfouies, emballées

dans du vieux journal.

 

 

Un ordre existe au milieu du malaise –

l’appel du muezzin,

la psalmodie du moine –

barytons

fusionnant

dans l’exclusion mutuelle.

 

 

À la gare routière

la toux noire des pots d’échappement

fait écran à tout.

Les routes se croisent

et passé le rituel du carrefour

divergent,

patinant le long des lignes

de contrôle

que rien ne signale.

 

 

Une guirlande poreuse

de perles fêlées

orne Tiger Hill.

Par-delà les sommets

vont d’obscurs souvenirs.

Au-delà,

personne ne sait,

au-delà,

personne ne veut savoir.

 

 

Même la nuée d’oiseaux

qui survolent leurs crêtes

ne savent quelles plumes tomber.

Caméléons, ils voguent,

et esquissent dans l’air

de parfaites paraboles.

 

 

Je lève les yeux,

je cherche à calculer leur arc,

mais je ne mets au jour

qu’un théorème

 

boiteux.

 

 

 

© Dominique Vitalyos (traduit de l'anglais)

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  • Chakori
  • Il s'en faut de peu que l'on n'ait été quelqu'un d'autre. 
J'ai laissé ce qui m'arrivait guider mon cours
et la vie m'a appris que Pseudosapiens s'était trompé : c'est la peur qui motive l'écrasante majorité de ses actes depuis les origines.
  • Il s'en faut de peu que l'on n'ait été quelqu'un d'autre. J'ai laissé ce qui m'arrivait guider mon cours et la vie m'a appris que Pseudosapiens s'était trompé : c'est la peur qui motive l'écrasante majorité de ses actes depuis les origines.

Texte Libre

Merci à Olivier Dion/Livres-Hebdo pour le portrait de l'avatar.